samedi, janvier 28, 2006
mercredi, janvier 18, 2006
Rush(es) hour
Sonnée, vous vous donnez un air alerte et faites semblant de le parcourir. Vous n'avez en fait qu'une idée en tête : éviter tout contact avec l'extérieur, le dehors bien froid et surtout bien détrempé qu'offre Lille ce mardi. Alors, quand on vous propose un sujet sur un coiffeur, ni une, ni deux, votre pelage se hérisse et l'oeil vif, vous aboyez votre nom à la tête du journaliste. Capillairement, vous auriez pu vous contenir mais bon, il fallait montrer en 3 secondes que vous étiez la femme de la situation.
4h chrono
Ouf, le salon du figaro se trouve dans la première partie de la rue Gambetta. Vous entrez. La nouvelle star a gagné un award (prononcez euwarde, c'est + chic) ce week-end. Vous entrez dans le saloon, on vous dévisage. L'homme du comptoir vous interpelle. "Qui êtes-vous ?". Pas de colt à dégainer, juste une rengaine : "euh, c'est nous qui vous avons appelé tout à l'heure pour faire un reportage sur vous. On est de l'Ecole. "
"Déjà ?", reprend l'homme à la chevelure luisante. Devant vous, le saint graal on the spot, l'objet de vos maux d'épaules et du stress qui vous parcourt.
Surbooké, Richard De s'excuse de ne pouvoir vous recevoir dans l'immédiat : un confrère de La Voix du Nord vient de débarquer pour une interview en règle. No problema, vous en profitez pour déplier votre attirail pendant qu'il joue son rôle de meilleur coiffeur féminin. Vous vous félicitez du timing. Arriver quand l'interlocuteur vous croit à peine parti de chez vous, ça fait classe !
Choix du filtre, balance des blancs, réglage de l'ambiance avec une perruche hystérique en fond sonore permanent, mise au point, bonne ouverture de diaphragme, silence et.......action ! Vous avez 40 minutes pour mettre tout ça en boîte. Comme c'est la 3ème fois qu'on vous confie une caméra à 15 000 boules, on peut le dire, c'est un défi.
Rush sur rush, vous priez Saint-Grégoire (Deniau, un must, prix Albert-Londres 2005, regardez ses reportages pour "Envoyé spécial") pour que l'image ne soit pas floue, le point pas mou (je vous rassure, je viens d'apprendre ce que ça veut dire, c'est quand sur une télé l'image n'est pas floue mais pas nette non plus) et vous enchaînez les (Gos)plans.
Bête à cam
Richard De, héros shakespearien du jour, virevolte, bigophone et vous annonce tout de go : "si vous voulez faire des plans de moi en train de coiffer, j'ai un mannequin qui peut se libérer." Vous ne pouviez rêver meilleur client ! C'est tipar pour le coeur du reportage : braquée sur la bête à cam, votre betacam analogique vous en fait voir de toutes les couleurs. Vous prenez des initiatives, caméra à l'épaule, vous vous baissez pour faire un plan serré sur la statuette du staracadémicien capillaire. Le mannequin vous prend en pitié, "c'a a l'air lourd...". Vous acquiescez mais faites bonne figure, on est pro ou on ne l'est pas. Le téléspectateur ne remarquera pas qu'en vous relevant, vous avez failli vous ramasser sur le sol.
12h30. Après une heure de rushes, de plans larges, serrés, un petit pano, c'est in the box. Vous rentrez non pas "broucouille" mais ravi de votre audace. Reste à dérusher. "Verdict après la pub", comme dirait l'homme au sourcil unique. Vous soufflez au RU.
Devant le banc de montage, vous inspirez, enfournez la K7, et là, ouf, les images sont bonnes. Joie, fierté, soulagement. Le JRI qui vous coache est agréablement surpris. Il commente un plan moyen sur le coiffeur brushingant son modèle et là, le miracle s'accomplit : "j'aurais pas fait mieux." En 4h chrono, vous avez détrôné Jack Bauer.
lundi, janvier 16, 2006
Ce que montrent les médias
Les images venues d'Asie nous ont montré beaucoup de poulets mais peu de malades. Pour la Chine, plutôt normal. Pékin n'est pas friand de transparence. Pour les autres pays, on pourrait arguer que les journalistes ne veulent sciemment pas montrer des mourants.
Mais voilà, les chaînes turques l'ont fait. Depuis que le village de Van, situé aux portes de l'Iran, a obtenu le statut peu envié de nouveau foyer du virus H5N1, les JRI du monde affluent et posent leurs trois pieds aux confins de l'Occident.
Et ce matin sur i-Télé, la chaîne info de Canal + qui reprend les EVN (images) d'une chaîne turque, un reportage me glace. Un linceul blanc qu'on enterre. Il plie sous le poids d'un corps. Ce corps, c'est celui de l'adolescente qu'on voit sur le plan suivant. Soutenue par ses proches et les médecins, Fatma marche vers l'ambulance. Puis elle dort, agonisante, entre deux couloirs dont on ne sait s'il s'agit de sa chambre (et là une question se pose : l'hôpital de Van est-il si vétuste ?) ou de la salle d'attente. Un garçonnet aux grands yeux verts et aux cils longs est blotti contre elle : son frère, Muhamed, 5 ans.
Le reportage finit par prendre un peu de distance. On y voit les médecins, qui ont "tout fait pour la sauver, mais elle est arrivée trop tard, 5 jours après l'apparition des premiers symptômes de sa maladie", dit le médecin-chef de l'hôpital. Puis le journaliste dissèque la politique anti-pandémique prise par Ankara.
De prime abord choquée, je crois qu'il nous faut plus d'images réalistes. D'accord, les cas de grippe aviaire sont encore limités. Mais montrer une victime sous un autre angle que le chiffre statistique qui la désigne, c'est lutter contre l'hypocrisie d'un pays, d'une société ou du monde, qui refuse de voir la réalité en face.
Et pour les journalistes, ouvrir les Van de la grippe aviaire permet de lutter contre les tentatives -réussies ou ratées- de censure de l'image.
dimanche, janvier 15, 2006
Face/off
La rue Esquermoise me tend les bras. Aguicheuse, elle offre une pléiade d’appels au rêve. Les vitrines sont léchées, les enseignes emblématiques. Le Général de Gaulle ne raffolait-il pas des gaufres de chez Meert ?
Je n’ai jamais su si on prononçait « Mer » ou « Merte ». Enguirlandée, la rue serpente allégrement, comme ses consœurs commerçantes de la Monnaie ou Lepelltier. De temps à autre, leurs sœurs cadettes se laissent surprendre. Une ribambelle de ruelles adjacentes ondulent en catimini et s’accrochent à leurs aînées. Ainsi, la rue St-Etienne, qui débouche sur la rue Esquermoise, juste avant Meert. Sans apparat, dénudée et grise, elle n’a comme pedigree nordiste que son estaminet, « Le Barbue d’Anvers ».
L’alternance continuelle entre luxe et humilité me frappe. On m’avait trop souvent opposé le luxe, le calme et le faste d’un Vieux-Lille éternellement endimanché au bric-à-brac de Wazemmes ou de Moulins. De prime abord, Lille est bicéphale. Pas de mélange de genres entre la somptuosité du Vieux-Lille et la polymorphie tapageuse des autres quartiers. Un point commun pourtant : Lille est une ville humide. Au premier pas, trop sûre de moi, je glisse. Il faut prendre le temps de tâter la pierre, sans la déranger, sans qu’elle se fâche et se venge inexorablement sur mon sens de gravité. Car Lille est pavée. Malheur à celui qui cherche à défier la kyrielle de dalles moites à toute heure de la journée. Il ne pleut pas si souvent que ça à Lille. Mais le ciel laiteux et lumineux est toujours prêt à s’essorer au-dessus de nos têtes. « Un ciel si bas qu’il fait l’humilité », pour parachanter Jacques Brel. Un ciel qui chapeaute son trésor lillois, comme la dernière touche à un costume qu’elle assume à peine.
Véritable loup-garou, Lille est une actrice le soir, parée pour le rôle qu’on lui prête aisément. Les étudiants alimentent son jeu de scène en lui donnant la réplique, dans les bars, jusque tard dans la nuit. La journée, elle joue franc jeu. Lorsque je côtoie et rencontre ses habitants, il n’y a pas de place pour le chichi. Le contact humain est simple, direct et chaleureux. Une réminiscence du temps où Lille était industrieuse. Les courées subsistent gaillardement. Rue de Trévise, rue de Douai ou derrière le marché de Wazemmes, un seul regard égaré suffit pour les saisir sur le vif. Des familles continuent d’étendre leur linge. Le passé est sauf, Lille est en vie.