mercredi, janvier 18, 2006

Rush(es) hour

PETIT JEU D(E)RÔLE. Vous avez 4h à tuer dans la journée. Devant vous, sur la table, les quotidiens se languissent et n'attendent qu'une seule chose : ne pas passer directement des rotatives à la poubelle. Vous en saisissez un, puis deux, la monomanie vous prend lorsqu'une voix pédagogue vous souffle que Nord-Eclair ou La Voix du Nord, c'est mieux pour couvrir l'actu lilloise. Tac, bam, paf, vous vous débattez, ayé, vous avez chopé la moitié (la cuisse et l'aile gauche) du canard convoité.

Sonnée, vous vous donnez un air alerte et faites semblant de le parcourir. Vous n'avez en fait qu'une idée en tête : éviter tout contact avec l'extérieur, le dehors bien froid et surtout bien détrempé qu'offre Lille ce mardi. Alors, quand on vous propose un sujet sur un coiffeur, ni une, ni deux, votre pelage se hérisse et l'oeil vif, vous aboyez votre nom à la tête du journaliste. Capillairement, vous auriez pu vous contenir mais bon, il fallait montrer en 3 secondes que vous étiez la femme de la situation.

4h chrono

Il est 11h10, le sujet de votre reportage part à midi, il vient de vous le dire au téléphone. Ni une, ni deux, vous vous emparez du pied (de guerre), votre collègue -féminine aussi- de la caméra, et hop, c'est parti pour de l'action en temps réel. L'espace des cinq minutes de marche, vous vous prenez pour des vraies, des pros, des JRI aguerries auxquelles on soumet le chrono de l'info, la brute, la chaude. Du reportage proactif.

Ouf, le salon du figaro se trouve dans la première partie de la rue Gambetta. Vous entrez. La nouvelle star a gagné un award (prononcez euwarde, c'est + chic) ce week-end. Vous entrez dans le saloon, on vous dévisage. L'homme du comptoir vous interpelle. "Qui êtes-vous ?". Pas de colt à dégainer, juste une rengaine : "euh, c'est nous qui vous avons appelé tout à l'heure pour faire un reportage sur vous. On est de l'Ecole. "
"Déjà ?", reprend l'homme à la chevelure luisante. Devant vous, le saint graal on the spot, l'objet de vos maux d'épaules et du stress qui vous parcourt.

Surbooké, Richard De s'excuse de ne pouvoir vous recevoir dans l'immédiat : un confrère de La Voix du Nord vient de débarquer pour une interview en règle. No problema, vous en profitez pour déplier votre attirail pendant qu'il joue son rôle de meilleur coiffeur féminin. Vous vous félicitez du timing. Arriver quand l'interlocuteur vous croit à peine parti de chez vous, ça fait classe !

Choix du filtre, balance des blancs, réglage de l'ambiance avec une perruche hystérique en fond sonore permanent, mise au point, bonne ouverture de diaphragme, silence et.......action ! Vous avez 40 minutes pour mettre tout ça en boîte. Comme c'est la 3ème fois qu'on vous confie une caméra à 15 000 boules, on peut le dire, c'est un défi.

Rush sur rush, vous priez Saint-Grégoire (Deniau, un must, prix Albert-Londres 2005, regardez ses reportages pour "Envoyé spécial") pour que l'image ne soit pas floue, le point pas mou (je vous rassure, je viens d'apprendre ce que ça veut dire, c'est quand sur une télé l'image n'est pas floue mais pas nette non plus) et vous enchaînez les (Gos)plans.

Bête à cam

Richard De, héros shakespearien du jour, virevolte, bigophone et vous annonce tout de go : "si vous voulez faire des plans de moi en train de coiffer, j'ai un mannequin qui peut se libérer." Vous ne pouviez rêver meilleur client ! C'est tipar pour le coeur du reportage : braquée sur la bête à cam, votre betacam analogique vous en fait voir de toutes les couleurs. Vous prenez des initiatives, caméra à l'épaule, vous vous baissez pour faire un plan serré sur la statuette du staracadémicien capillaire. Le mannequin vous prend en pitié, "c'a a l'air lourd...". Vous acquiescez mais faites bonne figure, on est pro ou on ne l'est pas. Le téléspectateur ne remarquera pas qu'en vous relevant, vous avez failli vous ramasser sur le sol.

12h30. Après une heure de rushes, de plans larges, serrés, un petit pano, c'est in the box. Vous rentrez non pas "broucouille" mais ravi de votre audace. Reste à dérusher. "Verdict après la pub", comme dirait l'homme au sourcil unique. Vous soufflez au RU.

Devant le banc de montage, vous inspirez, enfournez la K7, et là, ouf, les images sont bonnes. Joie, fierté, soulagement. Le JRI qui vous coache est agréablement surpris. Il commente un plan moyen sur le coiffeur brushingant son modèle et là, le miracle s'accomplit : "j'aurais pas fait mieux." En 4h chrono, vous avez détrôné Jack Bauer.

2 Comments:

At 10:15 PM, Anonymous Anonyme said...

eh ben dis donc borisette! t'es devenue une pro de la bétacam!
tu m'épates! êt quelle prose lyrique, je reconnais bien là celle qui fut jadis ma partenaire d'écriture de l'EPI...avec un petit vin blanc à l'appui!

 
At 6:13 PM, Blogger Aurélie said...

Eh oui, petite sarita, on ne change pas une "épique" qui gagne !
J'attends une nouvelle venue dans le geeko-journalisme : pourquoi pas un blog sur ton reportage en israël ?

 

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